Société | Dans une récente interview accordée à TelQuel, Rabea Naciri, experte reconnue en droits des femmes et questions de genre, a partagé son analyse sur la dynamique entre législation et société au Maroc. Selon elle, les changements législatifs précèdent généralement les évolutions sociétales, contrairement à une idée reçue répandue.
Une vision novatrice de l’évolution législative
Rabea Naciri, figure de proue dans le domaine des droits des femmes au Maroc, a exposé sa perspective sur la relation entre lois et société. Selon l’experte, ce sont les réformes législatives qui impulsent le changement social, et non l’inverse. Cette affirmation remet en question la croyance populaire selon laquelle les lois ne feraient que refléter les évolutions sociétales déjà en cours.
« En matière de loi, le changement ne vient jamais de la société, c’est la société qui suit », a déclaré Naciri dans son entretien avec TelQuel. Cette vision souligne l’importance cruciale des réformes juridiques comme moteur de progrès social, notamment dans des domaines sensibles tels que l’égalité des genres.
L’impact des réformes juridiques sur la société marocaine
L’analyse de Naciri s’appuie sur plusieurs exemples concrets de réformes législatives ayant eu un impact significatif sur la société marocaine. La réforme de la Moudawana (Code de la famille) en 2004 est souvent citée comme un exemple phare de ce phénomène. Cette réforme a introduit des changements majeurs dans les droits des femmes, bien avant que ces idées ne soient largement acceptées par la société.
Un autre exemple notable est la question de l’égalité dans l’héritage, un sujet qui fait l’objet de débats intenses au Maroc. Selon un rapport de la FIDH, les barrières juridiques à l’égalité dans l’héritage persistent dans les pays du Maghreb, malgré une évolution des mentalités. Ce constat renforce l’argument de Naciri sur la nécessité de réformes législatives proactives pour faire avancer l’égalité des genres.
Les défis de l’adaptation sociale aux changements législatifs
Bien que les lois puissent être en avance sur la société, Naciri reconnaît que l’adaptation sociale aux nouvelles législations peut prendre du temps. Ce processus d’adaptation implique souvent des changements profonds dans les mentalités et les pratiques quotidiennes.
Un rapport de l’OCDE sur l’autonomisation économique des femmes dans la région MENA souligne l’importance de combiner les réformes juridiques avec des efforts de sensibilisation et d’éducation pour assurer une mise en œuvre effective des nouvelles lois. Cette approche globale est essentielle pour surmonter les résistances culturelles et sociales aux changements législatifs.
Perspectives d’avenir pour les réformes au Maroc
Les observations de Rabea Naciri ouvrent des perspectives intéressantes pour l’avenir des réformes au Maroc. Elles suggèrent que les législateurs et les activistes des droits humains ont un rôle crucial à jouer dans l’initiation et la promotion de changements sociaux positifs à travers des réformes juridiques audacieuses.
Récemment, les réactions du RNI et du PAM à la réforme de la Moudawana ont montré l’importance du débat politique dans ces processus de changement. Ces discussions illustrent comment les partis politiques s’engagent dans le façonnement des futures lois qui, selon la théorie de Naciri, influenceront ensuite l’évolution de la société marocaine.
Le rôle des femmes dans l’espace public
Un aspect important de cette dynamique législative-sociale concerne la place des femmes dans l’espace public. Une étude sur les usages féminins de l’espace public à Casablanca révèle que les changements dans ce domaine sont intimement liés aux évolutions législatives et sociétales. La présence accrue des femmes dans la sphère publique est à la fois le résultat et le moteur de nouvelles lois favorisant l’égalité des genres.
En conclusion, les propos de Rabea Naciri mettent en lumière le rôle primordial de la législation dans l’évolution sociétale du Maroc. Ils invitent à une réflexion approfondie sur la manière dont les lois peuvent être utilisées comme un outil proactif pour façonner une société plus égalitaire et progressiste.